Three Chords & the Truth

Rédigé par Rock critique / 04 novembre 2019 /

Dans ses récents albums, deux en 2017 et deux en 2018, le chanteur Van Morrison mêlait reprises de standards du jazz et du blues et quelques compositions. Corrects mais un peu routiniers. Pour Three Chords & the Truth, il a écrit et composé l’ensemble des quatorze titres (seul If We Wait for Mountains est cosigné avec Don Black). Et cette fois quel plaisir que ce disque de belle facture, globalement dans une approche soul qui lui va si bien, que ce soit dans l’engagement vocal, et ici l’énergie revivifiée du chant, que dans l’accompagnement orchestral, sur une base piano, orgue, guitare, basse et batterie.

L’on est même ici et là pas loin des grandes chansons de Morrison, celles du passage des années 1960 et 1970. Ainsi Dark Night of the Soul, In Search of Grace, Nobody in Charge (qui rappelle These Dreams of You), If We Wait for Mountains, façon gospel, ou Up on Broadway qui ont tout de futurs classiques du chanteur.

Sylvain Siclier , in Le Monde, 01/11/2019

Sixième album en à peine plus de trois ans, qui dit mieux ? Et le barde irlandais, lui, ne va pas piocher dans ses archives comme le fait son collègue Neil Young. Tout juste se permet-il plus souvent de recuisiner à sa sauce des standards jazz et rhythm’n’blues.

Mais voici quatorze nouveaux titres entièrement de sa main, ça ne s’était pas produit depuis le retour en grâce de Keep Me Singing (2016). On n’épiloguera pas sur les motifs d’une telle prolixité, dont on peut penser qu’elle s’adresse à ceux qui tiennent Van Morrison pour l’un des trois plus grands chanteurs vivants et sont habitués aux sautes d’humeur et d’inspiration de ce cabochard légendaire. Ici, seul le titre est trompeur, qui se réfère à la définition de la country par un de ses song­writers émérites, Harlan Howard, dans les années 1950. « Trois accords et la vérité », Morrison étend visiblement la formule à toute sa musique, qui depuis ses débuts solo (1967) brasse allègrement les genres, avec une bonne pincée de celte en prime.

On ne se refait pas à 74 ans, et le suspense alors tient à ceci : combien de morceaux nouveaux feront aussi bien que les anciens en explorant la même veine ? Après trois tours d’échauffement, In Search of Grace donne un début de réponse, suivi d’une rare dose de vitriol politique (Nobody in Charge), d’une complainte New Orleans (You Don’t Understand). Puis rebelote en rythme (et blues) avant la séquence If We Wait for Mountains/Up on Broadway, cœur palpitant du disque, où le Van éternel dérive comme nul autre au mépris de toute pesanteur, quitte à retomber ­ensuite sur terre avec une ode goguenarde à ces « valises [qu’il] trimballe sous les yeux ». Quand serai-je sage ?, ne se lasse-t-il jamais de maugréer de sa voix irréductible. On en redemande.

François Gorin in Télérama 3647, 04 / 12 / 19

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