Best of

Rédigé par Rock critique / 30 juin 1990 /

Ce petit gros à moitié chauve, s’il a plus d’allure que Phil Colins, séduit rarement les teenagers. En marge, loin des modes et des médias, d’un sérieux rébarbatif (“I’m not a rock’n’roll performer, I’m a musician and a singer). Van Morrison n’a jamais fait la pute et ça ne nous plaisait pas. A d’autres, les bondieuseries d’un vieux croûton. Et puis, parce qu’il est idolâtré et repris par des gens qui comptent (Costello, Springsteen, Willy De Ville, Kevin Rowland, Mike Scott, Bono…), que ces disques (“Astral weeks”, Moondance”…) figurent régulièrement au top des « meilleurs albums de l’histoire du rock », on finit, intrigués, par jeter une oreille dans l’engrenage pour ne plus en sortir.

Vous qui ne connaissez Van the Man que par l’intermédiaire des Dexys ou des Waterboys, découvrez-le ici en seize merveilles (vingt sur le compact), habilement choisies pour leur accessibilité délectable et comme délectation minimale d’une oeuvre colossale, très à part. L’Irlande se sent souvent plus proche de l’Amérique que de l’Angleterre, Van Morrison (né à Belfast), lui doit, par exemple, sa vocation, A dix-huit ans, leader de Them, il singe les rhythm’n’blues shouters avec une hargne, modèle de frustration adolescente (trois hymnes ici dont “Gloria”) et, dès le début de sa carrière solo (1969), s’installe aux Etats-Unis. il y explore les musiques noires avec passion mais ne cessera aussi de retrouver ses racines celtes, mêlant le tout en des expériences mystiques. Qu’il parle de l’amour, des femmes ou de Dieu, avec le groove revigorant du jazz (“Moondance”) ou du rhythm’n’blues (“Brown eyed girl”, “Domino”), avec le lyrisme exalté du gospel ou de la soul (“Sweet thing”, “Have I told you lately”), son inimitable voix ne cède jamais à une béatitude ostentatoire. Elle se retient plutôt, intense mais sobre, rude comme cet Irlandais à la fois sage et irascible, ce roc humain qui préfère la beauté à la séduction.

A ceux qu’effraie trop de religion, précisons que Van Morrison célèbre d’abord les choses simples de la vie et de la nature. une manière de panthéisme auquel chacun peut s’identifier. Que l’instrumentation touche au sublime (“Did ye get healed”) ou ronronne un peu confortablement (“Whenever God shines his light”), le chanteur enlève le morceau et préserve l’intégrité parfaite de cette compilation. D’autres disques et des (trop rares) concerts vérifieront ensuite votre ferveur nouvelle.

Source

Stéphane DAVET, in Les Inrocks, juin/juillet 1990


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