Into the music

Rédigé par Rock critique / 30 novembre 1979 /

“Into the music” : voilà un titre qui coule de source, mais un clin d’oeil ironique aussi (on se souvient de « Into the Mystic », il y a quelques années) ; comme si on avait douté un seul instant que Van Morrison fût branché sur la musique ; ou encore, comme si lui avait douté de sa propre capacité à nous faire pénétrer en elle. Il est vrai qu’avec « A Period 0f Transition » (autre titre symbolique !), on s’était posé des questions: on ne voyait pas très bien où il voulait en venir, tout en espérant que lui le savait.

Dès l’intro de » Bright side 0f The Road » on pressent un disque fort, bourré d’énergie et de swing. Cela se confirme sur « Full Force Cale », qui tempête à pleine force de tous ses cuivres. Van a retrouvé sa voix la plus rageuse, et le climat est proche des meilleurs moments de » His Band & The Street Choir », et surtout de « Saint Dominic’s Preview ». Mais une innovation frappe dès la troisième chanson: c’est la place prépondérante, bien que respectant l’équilibre avec la voix et les autres instruments, prise par le violon dans le son de cet album. « Stepping Out Queen » et surtout « Troubadours » nous offrent quelques-unes de ses interventions généreuses, contre-chant souvent à la limite du dérapage, toujours contrôlé évidemment. « Troubadours » est une des plus belles chansons du disque, une occasion aussi de regretter que les textes ne soient pas reproduits à l’intérieur, car ce que dit Van Morrison, ces petits riens qui font toute la vie, ce n’est pas n’importe quoi. Seulement, son accent, et surtout sa façon si personnelle de triturer les mots, d’en étirer les syllabes à l’infini, ne facilitent pas la compréhension littérale. Dans « You Make Me feel So Free « , en conclusion d’une face 1 bien remplie, la grande cavalerie des cuivres se déchaîne à nouveau : la course échevelée, haletante, à laquelle ils se livrent ici avec la voix du chanteur, portés par une rythmique d’acier au piano, vaut le détour… si vous pouvez le suivre ! Peu de chanteurs blancs ont compris aussi bien que Van Morrison l’enseignement rythmique de la soul-music et l’harmonie des cuivres, ces cuivres tellement envahissants chez bien des confrères et toujours miraculeusement maîtrisés chez ce Morrison.

Six chansons pour une longue face 1, et quatre pour une un peu moins longue mais non moins attachante face 2: « Angeliou » est une suave et lente complainte amoureuse d’où il ressort qu’il s’est passé quelque chose « dans la ville de Paris au mois de mai ». Van commence ici son chant avec – dirait-on – de la bouillie alcoolisée ? dans la bouche. De nouveau, le violon de Toni Marcus fait des prouesses, se permettant même des pizzicati ; on sent le mec qui a dû faire le conservatoire classique avant de mal tourner et de fréquenter les nègres et les hippies. Arrive le second sommet « The Healing Has Begun » : mais s’il a commencé pour Van, cet apaisement n’en est pas moins fiévreux et lancinant Une reprise de « It’s All in The Game », un tube de la fin des années 50 (Jack Scott ? Enfin quelqu’un de ce genre), débouche directement, sans une seconde de pause ou de silence sur la gravure, sur ce « You Know What They’re Writing About » presque confidentiel, cris puis chuchotements répétés ad libitum en coda, comme Van aime si souvent à le faire: « I want you to meet me… are you there? are you there? no no no… no no no… are you there? I want you to meet me…”

Je veux que tu me retrouves, une dernière fois chuchoté, quand les musiciens se sont tus: » I want you to meet me ». Du côté brillant de la route. » Bright Side 0f The Road”. Et l’on recommence Soupirs de contentement. Oh baby, are you there? –

Source

Jacques VASSAL, in Rock&Folk, novembre 1979

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