Back on top

Rédigé par Rock critique / 29 mars 1999 /

On pourrait aborder Back on top par la face encyclopédique : créateur d’un instant-hit incunable (Gloria), d’un chef-d’oeuvre absolu (Astral weeks) et d’une foultitude d’albums superbes, Van Morrison n’a jamais déçu. Jamais. On pourrait escalader le tumulus des sentences définitives : Van The Man est à la soul aux yeux bleus ce que Sinatra est au cross-over jazzy. On pourrait entamer l’ascension des déclarations énamourées. Après tout, n’a-t-on pas suivi l’Irlandais dans ses fulgurances rhythm’n’blues (Tupelo honey), ses crises de mysticisme à répétition, son retour aux racines (en compagnie des Chieftains) ou ses révérences au sphinx John Lee Hooker ? Enfin, on pourrait ne pas parler de musique : Back on top fait sourire par son titre (a-t-il jamais quitté ce sommet, d’où une poignée de chanteurs contemplent l’agitation humaine, tout en guignant bourbon et glaçons ?).

Il intrigue, aussi, par ses couleurs d’automne, le jeu d’ombres chinoises du chanteur sur les photos du livret et le message subliminal que tout ça implique. Morrison aura donc bien entamé la cinquantaine avant de dissoudre définitivement toutes les afféteries du chant, toutes les coquetteries d’ego, pour ne plus retenir qu’une douce puissance, celle de l’efficacité modeste. Que Back on top soit un monument, cela ne fait aucun doute – et pas davantage qu’il représente pour son auteur une étape décisive vers la maturité et la sagesse. Mais tout cela ne signifie pas grand-chose, limité qu’on se retrouve à quelques pointages techniques (l’extraordinaire retenue du chant, l’altruisme extrême du guitariste Mick Green, les univers dévoilés par l’orgue liquide de Geraint Watkins). La souriante complicité de Pee Wee Ellis (lui qui a soufflé derrière James Brown ne craint plus l’immensité) ne fait que s’ajouter à la liste des ingrédients.

Le disque, écrit, composé, produit et chanté par le patron, aborde sans retenue, mais infiniment de plaisir, tout le panorama d’une musique de tension et de swing. D’un shuffle pour bals de village à l’évidence du blues, le tour de main du maître queux, chevauchant un boogie juvénile ou s’épanchant dans la rigole d’une ballade des bleus de l’âme, plane ainsi dans l’indicible. Tout au plus rappellera-t-on la plénitude, la sérénité de ces dix chansons qui sont autant de tours de force : totalement habitées, elles nous invitent néanmoins à y pénétrer avec armes et larmes.

Source

Christian LARREDE, in Les Inrockuptibles, mars 1999

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